Melody rassemblait ses affaires tandis qu'une nuée de jeunes gens quittaient l'amphithéâtre dans la cacophonie générale, pensant sans doute plus à la soirée sur le campus de la soirée qu'au cours qu'elle venait de donner sur les rites mortuaires vikings. Qui s'intéresse aux morts alors que la vie nous tend les bras ainsi qu'une bonne grosse canette de bière ? Pas grand monde, ou alors les mordus les plus extrêmes des sciences du passé. Autant dire très peu d'élèves. D'habitude, il y en avait toujours un ou deux pour venir poser des questions ou demander des éclaircissements, mais aujourd'hui, personne. Et elle n'allait pas s'en plaindre, elle mourrait d'envie de rentrer rapidement. Trente minutes de voitures l'attendaient encore si elle ne s’embourbait pas dans les embouteillages, et elle devait régler chez elle les dernières formalités pour son chantier de fouilles au Danemark, où elle se rendait dans moins de deux semaines. Autant dire que, comme ces jeunes gens, elle avait d'autres chats à fouetter.

En sortant, quelques uns attardèrent leur regard sur les mains de leur professeur, gantées comme d'habitude. Ils attendaient sans doute ce grand jour quasi prophétique où elle les retirerait enfin, dévoilant ses cicatrices au monde, cicatrices que personne n'avait jamais vues. Tout simplement parce qu'elles n'existaient pas. Un gros mensonge pour expliquer le fait qu'elle gardait ses gants en permanence et pas inutile étant donné que l'été annonçait de grosses chaleurs. Melody s'était rendue compte au fil des ans que plus les mensonges étaient énormes et teintés d'un certain mystère, plus les gens étaient susceptibles d'y croire. Pari gagné. Quelques jours à peine après qu'elle ait expliqué à deux élèves curieux pourquoi elle portait des gants, l'histoire des cicatrices d'un lointain accident sur un site archéologique au delà du cercle polaire avait déjà fait le tour du campus comme une traînée de poudre. Et elle s'en amusait. Pas étonnant que le SHIELD ait toujours réussit à dissimuler l'existence des méta-humains et des asgardiens aux yeux du monde si ils inventaient toujours des trucs aussi gros. Ils devaient sans doute recruter les nettoyeurs selon leur degrés d'improvisation et d'imagination. Elle sourit à cette idée et fit un rapide signe de la main aux derniers retardataires qui passaient la porte pour les saluer. Elle leur devait bien ça, à s'amuser à leurs dépends.

De toute façon, elle avait juré pour des raisons évidentes qu'elle ne parlerait pas de cela à quiconque. Mais il était évident qu'une autre raison qui la poussait à vouloir rentrer, c'était de pouvoir enlever ces maudits gants qui lui tenaient bien trop chaud et rendaient ses mains moites. Avec un peu de chance, le nord du Danemark n'était pas trop torride en cette saison. Et en plus, elle allait devoir informer le SHIELD de son départ, histoire qu'ils ne débarquent pas à la ferme avec des forces d'assauts en prenant son silence pour un aveu de trahison. Elle ne le ferait jamais, mais elle savait qu'au moindre faux pas de sa part, elle allait avoir la chance de visiter ce lieu mythique et fort sympathique qu'on appelait le fridge. Très peu pour elle. Sans doute serait-elle la première ex-agent du SHIELD a y prendre sa carte de séjour. Melody était rodé en terme d'expériences. C'était une expérience avec un bout de caillou qui avait créé tout ce merdier alors... Elle serra le poing en soupirant, puis se sachant seule, elle retira ses gants histoire de laisser ses mains respirer quelques minutes. Les porter toute la journée avait créé en elle un sentiment de frustration qu'il fallait qu'elle évacue. L'énervement était fortement déconseillé dans sa condition. Elle attrapa un papier laissé au sol (dans un amphi, il y avait bien de quoi étant donné la propreté d'un étudiant moyen) et le serra entre ses doigts. Peu à peu, il se recouvrit d'un fine couche de gel, durcit et finit par éclater en une myriade de petits fragments congelés qui tombèrent au sol. Rien de bien compromettant, on ne retrouverait que des bouts de papier déchirés. C'était mieux que des cendres et une odeur de brûlé.

Elle entendit alors du bruit. Le silence total avait gagné la salle après le départ des étudiants, mais il lui semblait que quelqu'un poussait la porte. Elle éparpilla rapidement du pied les fragments de son souffre-douleur du jour et enfila de nouveau ses gants aussi vite qu'elle le put. Une bonne initiative car le nouveau venu semblait être étudiant. Un garçon, assez grand, assez mignon aussi, qui venait d'entrer dans l'amphithéâtre. Rien de bien exceptionnel à vrai dire, mais qu'un étudiant quitte la salle et y revienne quelques minutes plus tard, c'était bien la première fois. Sans doute un des siens qui venait de sortir de cours. Heureusement, il ne l'avait pas vue passer ses nerfs et avec un peu de chance, il n'avait pas vu ses mains dépourvues de cicatrices. Les bruits courraient très vite, et elle n'avait pas le loisir de gérer une autre rumeur en ce moment.

- Vous avez une question jeune homme ? Ou peut-être avez-vous oublié quelque chose. Je vous écoute mais je suis assez pressée, donc si vous voulez bien faire vite.

Elle était bien trop aimable pour rembarrer son seul étudiant curieux de la journée, pourvu qu'il ne lui fasse pas perdre son temps. Elle y tenait à ce chantier de fouilles au Danemark !