Lorsque l'on a une vie sans histoire, il est difficile d'être confrontée à la dure réalité qu'est le monde. Et Avalon vient de l'apprendre de la plus terrible des façons. « Mademoiselle O'Hara ? Elle hoche de la tête positivement. Je suis au regret de vous annoncer le décès de votre sœur. » Quelques mots, qu'elle a l'impression qu'on lui balance, comme on lui aurait annoncé la météo pour demain. Elle reste là, sans bouger, en ayant l'impression que le monde entier vient de s'arrêter autour d'elle. Même son cœur et sa respiration reste en suspend jusqu'au moment de la rupture. Elle a l'impression d'étouffer, cherche l'air avec avidité, à la limite de la panique. Elle n'arrive pas à prononcer un seul mot, alors que mille questions se bousculent dans sa tête. Elle ne comprend pas, ne réalise pas vraiment. Pourtant les faits sont là, et le pendentif qu'on lui pend n'en est qu'une preuve de plus. Ava est incapable de réfléchir, de penser à ce que tout cela implique. Qui va s'occuper de sa petite Novah ? Novah sa petite de quatre ans, qu'elle élevait seule. Parce que Morgane c'était ça : une version d'Avalon tellement mieux. Peut être qu'Ava souffre d'un complexe d'infériorité lorsqu'il s'agit de sa jumelle, mais au fond elle est persuadée d'avoir raison. Quelle femme serait capable d'élever un enfant seule, tout en étant un agent de communication aussi efficace qu'elle l'est ? Etait. C'est encore impossible pour la jeune femme d'assimiler la nouvelle. « L'agent n°82 est décédée au cours d'une mission près des côtes de C'est comme s'il avait lu dans ses pensées et répondu à l'une de ses questions avant même qu'elle ait la force de l'énoncer. Mais tout ça, tout ça c'est trop difficile pour elle, et Ava est incapable d'écouter la fin de ce qu'il a lui dire. Alors elle se contente de se tourner et de s'éloigner, chancelante. Le pendentif qu'elle sert dans sa main et désormais le dernier souvenir qu'elle a de Morgane.


« Ca fait trois ans Avalon. Trois ans ! » Elle assise sur le lit, encaisse sa colère. Elle le connaît, elle sait que ça fait des mois qu'il garde ça en lui. Elle l'a vu venir, elle savait. Elle ignorait juste le moment où il craquerait. Tout ça, ce n'était qu'une question de temps. Pourtant elle ne lui répond pas, se contentant d'hausser les épaules, comme si elle s'était déjà avouée vaincue. « Mais bordel Avalon, réagis, merde ! » Ca ne lui ressemble pas, et il en crève. Il a juste l'impression de l'avoir perdue, petit à petit, comme si elle lui avait échappé, ou qu'il n'avait pas su la retenir. Et dieu sait qu'il a essayé pourtant ! « Ca fait trois ans que tu ne vis plus que pour ton boulot ! Trois ans qu'on ne fait que se croiser. Il se rapproche de lit, à mesure que son ton monte. Il ne veut pas lui crier dessus, pourtant c'est plus fort que lui. De la voir ainsi, passive, c'est juste insoutenable. Il l'a connue combative, hargneuse lorsque poussée dans ses retranchements. Et là... elle n'est plus qu'une pâle copie d'elle-même. Arrête de faire ta psy avec moi, et parle-moi ! Je suis pas à l'une de tes putain de psychothérapie ! » Elle a détourné le regard, ravalant ses larmes, parce qu'elle sait trop bien ce qu'il lui reproche. Elle n'a fait que repousser leur mariage, prétextant des excuses plus absurdes les unes que les autres. Pas parce qu'elle ne l'aime plus, ou qu'elle ne veut plus de lui. Non, c'est plus compliqué que cela. « Tu veux que je te dise quoi ? J'y arrive plus Adrian. Sa tête tombe, abattue. J'y arrive plus. » Répète-t-elle dans un souffle. Sa seule est unique explication. « Moi non plus. » Sa sentence vient de tomber. Ava le connaît trop bien pour savoir ce qu'il veut dire par là. Elle sait qu'il ne lui faudra pas trois jours avant qu'il ait repris toutes ses affaires. Elle aimerait le retenir, mais au fond ce serait égoïste de sa part, et elle le sait bien. Le laisser partir semble donc la meilleure des solutions. La seule solution.


Elle soupire, et se tortille sur son fauteuil comme une gamine. De toute façon c'est à chaque fois pareil. « Et là, comme à chaque fois, c'est le moment où je vous dis que tout s'est bien passé. » Elle sort l'un de ses plus beaux sourires, de ceux qui sonnent pourtant tellement faux, et à raison. Le debriefing post mission avec la psy, ça a jamais été son truc. Elle n'aime pas être psychanalysée, c'est elle qui fait ce genre de chose en temps normal. Alors du coup, elle a tendance à faire sa capricieuse, bien que ce ne soit pas un trait de caractère qui lui soit propre. Non, Avalon on la qualifie plus de jeune femme bien élevée, douce, pétillante, un brin trop dévouée à son travail parfois. Mais capricieuse, jamais. « Avalon, vous comme moi, savons très bien que vous n'y couperez pas. Comme à chaque fois. » Nouveau soupir de la part de la brunette, qui se mord l'intérieur de la joue de mécontentement. « Et si je vous parlez de ma nièce plutôt ? La psychologue en face d'elle, est sur le point de la couper, mais Ava continue son flot de parole afin de l'en empêcher. Novah a fêté ses dix ans ce weekend. Et je n'étais pas là. J'étais en mission dans le Texas. Vous voyez je parle de mon travail aussi. En plus elle a le toupet de la narguer ! Bref, Novah a aimé mon cadeau d'après mes parents. Quelle petite fille n'aimerait pas un chaton de toute manière ?! Tout en parlant, elle fait de grands gestes, superflus, mais qui lui servent de distraction. Elle prend de la place pour pas grand chose, mais mine de rien le temps s'écoule. Et elle finit par jeter un rapide coup d'œil à sa montre. Oh ben dit donc, vous avez vu l'heure qu'il est ?! Il faut que je file ! Merci pour cette superbe séance, c'était génial ! » La jeune femme se lève, serre la main à la femme en face d'elle, le tout à une vitesse folle, histoire qu'elle ne puisse la retenir avant qu'elle n'ait franchi la porte de sortie. Liberté. Douce liberté. Parler d'elle n'a jamais été son fort, exprimer ses sentiments non plus. Alors parler de sa nièce est toujours une bonne échappatoire à tout ce petit manège. Et ça a tendance à faire croire qu'Ava a une vie en dehors de son boulot, alors qu'au fond ce n'est pas tout à fait le cas.

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