25 septembre 1987

- Grand-père ! Grand-père ! Tu me racontes encore comment tu as gagné ta médaille ?
J'ai six ans et déjà une crinière de cheveux roux après lesquels ma mère ne cesse de pester, sans oublier quelques dents de lait en moins et une voix fluette au possible. Jackson Merill, mon grand-père, a déjà le dos un peu voûté et un visage sillonné de ride qui s'animent quand il sourit. Il est assit dans son antique fauteuil tout râpé placé tout près de la cheminée et je me suis hissée sur ses genoux. Il est encore bien robuste."Combien de fois j'ai du te la raconter celle là ?" me taquine t'il. "Sept ! " j'affirme avec conviction sans saisir la plaisanterie.


Il sourit à nouveau et me caresse les cheveux. Ce n'est pas l'envie qui lui manque, de raconter encore ses histoires de guerre, il adore ça. Qui ne serait pas fier de narrer encore et encore ses heures de gloire ? Il s'éclaircit la gorge et commence à raconter tandis que je saisis enfin qu'il se moquait de moi et affiche une moue indignée. Je l'oublie bien vite, captivée par ce récit que je connais déjà par coeur. Grand-père a un grand talent de conteur. Il sait ménager son suspens et faire monter la tension dramatique rien qu'avec sa voix. La petite que j'étais ne pouvais qu'être en adoration devant ce grand héros. Les petites filles sont amoureuses de leur papa. Moi, c'est de mon grand-père que j'étais amoureuse, bien qu'il soit vieux et "en partance pour le cimetière" comme il dit encore. Tout simplement parce qu'il me faisait rêver avec ses grandes histoires.
Sa médaille de bravoure, il l'a gagnée en 1944, en sauvant son unité tombée dans une embuscade tendue par des soldats allemands. "Les pires" qu'il disait; des soldat d'HYDRA, la section scientifique de réserve des nazis. Je ne savais pas grand chose d'eux à l'époque de mes six ans. Seulement que la destruction d'HYDRA était la mission de la Section Scientifique de Réserve, à laquelle appartenait mon grand-père à l'époque et qu'elle a réussit. HYDRA a été détruite en même temps que l'Allemagne nazie. Bon débarras. En revanche, je sais tout des exploits qu'il a accomplit avec son unité et des combats qu'ils ont mené. Je sais aussi qu'il a continué à travailler avec ses coéquipiers par la suite, mais par contre de la suite, je ne sais rien. Quand je lui pose des questions, il dit que c'est un secret. Aujourd'hui je sais bien sûr.

Tandis qu'il continue de raconter, le film défile dans ma tête comme au cinéma. Il me raconte la cérémonie de remise des médailles. Les officiers alignés, le chant national, le sourire ému de ses propres parents qui étaient présents. Tout se passe aussi dans ma tête. A cet instant, mon père entre dans le salon et coupe mon grand-père dans son récit. Il est tard. Il y a école. Le feu se meurt peu à peu dans la cheminée quand mon père me prend dans ses bras pour me mettre au lit, des rêves pleins la tête. Il regarde son vieux père avec affection."Tu vas lui en donner des idées à cette gamine... "


8 décembre 1991

Il a neigé à gros flocons toute la nuit et au matin, la cour devant la maison était recouverte d'une épaisse couche de poudreuse. Emmitouflée sous des couches de pulls et de manteaux, un bonnet et de grosses moufles, j'entreprend de rouler de grosses boules de neiges. J'ai dix ans et toujours des rêves plein la tête. Je n'ait plus envie de faire la guerre, je veux rencontrer des dieux. Prenant mon mal en patience, j'ai décidé d'en fabriquer un avec de la neige en attendant d'en rencontrer un vrai. Pourtant, je ne suis pas stupide, je sais bien qu'il ne s'agit que de légendes. Mark, mon grand-frère, sort de la maison au moment où j'apporte la touche finale à mon œuvre. Il a quatorze ans, un allure suffisante, et des préoccupations à mille lieux des miennes. Il regarde le bonhomme de neige d'un air très intrigué. Il faut dire qu'aux yeux d'un néophyte, mon bonhomme peut paraître très bizarre. "C'est quoi ? " demande t'il. "Thor, le dieu de la foudre ! "

Il fronce les sourcils. C'est pourtant lui qui m'a offert de grand livre d'images sur les mythes nordiques trouvé par hasard chez un brocanteur du quartier. Il est peut-être un peu brusque mais mon frère me démontre son affection comme il peut. Mais ce livre, il l'avait acheté car il pensait que les illustrations allaient me plaire, il n'avait jamais songé que ça allait faire naître une véritable passion. Le bonhomme de neige a une casserole en guise de casque, de la paille pour ses cheveux et sa barbe et brandit un marteau de charpentier trouvé dans la grange, fixé à une grosse branche par du scotch. Je ne manquais pas d'inventivité à l'époque. Je devais aussi être la seule petite fille de Pennsylvanie à faire des bonhommes de neige Thor... "Et c'est pour quoi faire le marteau ? Un guerrier se bat avec une épée," proteste Mark, dubitatif. "Pas un marteau. Mjöllnir ! Il lance des éclairs. "

Mon frère soupire et rentre les mains dans les poches, pas l'air vraiment convaincu. Je baisse la tête et retourne à la fabrication du dernier bras. A ma grande surprise, il revient quelques minutes plus tard avec dans la main une poignée de spaghettis. Devant mon regard surpris, il commence à les fixer sur le marteau avec du scotch. "Pour les éclairs... "


7 août 2002

"Mademoiselle Melody Merill. Je suis l'agent Roberts, section sciences et techniques. "
Nerveuse, je lisse du plat de la main ma jupe noire. Je n'ai jamais été aussi nerveuse que ce jour là, ni aussi bien habillée. Je porte un tailleur bien coupé, même si acheté bon marché, de beaux escarpins noirs assortis et pour une fois, mes cheveux ont été coiffés en un chignon soigné. Mon propre frère a eu du mal à me reconnaitre dans cette tenue. Cet entretien était le début de ma nouvelle vie et je tenais à faire la meilleure impression possible. Mon grand-père s'est gonflé de fierté en me voyant quitter la maison et je dois admettre que moi aussi je suis plutôt heureuse, bien que très impressionnée. J'ai vingt-et-un ans. Je viens de réussir le concours d'admission à l'académie des sciences et techniques du SHIELD.

J'ai beau me dire que cet entretien n'est qu'une formalité, je suis quand même morte de trouille. Je m'attends à voir débarquer un agent baraqué, habillé en noir, pas très causant et avec une oreillette. Bref, intimidant, un échantillon de ce dans quoi je m'embarquais. Et voilà sur quoi je tombe. Un homme de taille moyenne, typé asiatique, l'air sérieux mais pas terrifiant. Il a juste l'air terriblement professionnel. Je lui souris nerveusement et serre la main qu'il me tend." Veuillez me suivre je vous prie. "
C'est la première fois que j'entre dans les locaux de l'académie, et je ne peux m'empêcher de m'émerveiller. C'est un rêve qui se réalise en ce jour. Pour autant, je garde les yeux rivés sur le dos de mon guide qui m'entraine d'une démarche affreusement raide dans une enfilade d'autres couloirs, sans doute l'administration. A t'il un balai enfoncé dans le postérieur ? J'ai presque honte de penser cela mais je ne peux pas m'en empêcher. C'est rassurant d'être soit même. Et être moqueuse et cynique, même en pensée, c'est moi. Il s'arrête soudainement devant une porte en bois, comme toutes celles du couloir, si soudainement que je manque de le heurter et rougis de confusion. Il ne se formalise pas et ouvre la porte avant de m'inviter à y entrer. Ce n'est qu'un bureau comme tant d'autres, très semblable à ceux qu'on trouve dans toutes les administrations du monde. Un bureau en bois clair, deux chaises et un tableau sur le mur blanc représentant une plage. Une banalité si surprenante que mon stress s'amplifie encore. Je m'assoie en face de lui en faisant en sorte de paraître aussi détendue que possible. Il débute sans préambule." Cet entretien a pour but d'évaluer vos dispositions et vos antécédents familiaux et affectifs. Rien de rédhibitoire, juste de quoi constituer votre dossier. Nous tenons à connaître nos recrues. "

Il prend un calepin et un crayon qu'il sort de je ne sais où et continue sans temps mort. Le sentant parti pour un moment, je me prépare à répondre à une salve de questions posées au même débit qu'un tir de mitrailleuse."Qu'est ce qui vous a poussé à vous intéresser à l'archéologie nordique ? " "La curiosité, et l'envie d'en savoir plus. J'aime percer les mystères. " Il reste impassible. Impossible de savoir ce qu'il a pensé de ma réponse. Il enchaîne." Pourquoi pensez-vous que le SHIELD peux s'intéresser à ce type de recherches ? " " Parce qu'il s'avère qu'il ne s'agit pas uniquement d'archéologie. C'est de la science. Une science extraterrestre qui peut être dangereuse. Le rôle du SHIELD est de protéger la population des sciences extraterrestres dangereuses en les étudiant et en les comprenant. " " Que pense votre grand-père, Jackson Merill, de votre engagement au sein du SHIELD ? " " Pardon ? " Il me regarde le plus calmement du monde."Votre grand-père a été membre du SHIELD. " " Je sais cela. Je me demande juste où est le rapport. "Nous gardons toujours un oeil sur nos anciens agents. Répondez à la question. " Il était très fier. Imperturbable, il continue de noter sur son calepin. "Bien, poursuivons. Quels rapports entretienez-vous avec vos parents ? Et avec votre frère ? "Très bons rapports. Nous sommes - nous étions - une famille très soudée. " "Que pensez-vous de vos aptitudes pour le travail d'équipe ? " "Bon, je suppose. Je n'ai jamais fait ce genre de travail. "

Et l'entretient continue. Je me rends rapidement compte qu'il sait tout de ma vie et qu'il pourrait sans doute me donner dans l'ordre et avec les dates, le nom de toutes les petites amies de mon frère. C'est assez saisissant. Un peu inquiétant aussi. Je réponds sans me poser de question, bien trop intimidée pour protester. Il a au moins la bonne idée de ne poser aucune question intime. Quoique, il n'en a sans doute pas besoin remarque. Je frissonne un peu à cette idée. Viens enfin la dernière question. " Quel avenir voyez-vous pour l'humanité ? " "La paix pour tous, je réponds, un peu surprise par la question. Un monde où tout le monde pourrait se sentir libre et en sécurité, sans la menace permanente d'une guerre ou d'une invasion venant d'ailleurs. " "C'est parfait, dit-il en refermant son calepin." "Je peux également poser une question ? je risque en essayant de paraître pleine d'assurance, car en réalité, je n'en mène pas large. " Faites, par contre je ne peux pas vous assurer d'être autorisé à vous répondre. "Pourquoi toutes ces questions ? Vous connaissez déjà tout ce qu'il faut savoir sur moi. "
Il me regarde avec ces yeux indéchiffrables que je commence à connaître. "Nous ne savons pas tout Mademoiselle Merill. Nous pouvons connaitre la vie de nos agents, mais nous ne pouvons pas savoir ce qu'ils pensent, et c'est pourtant ce qui est le plus important. Vous n'imaginez pas comme il est aisé de s'inventer une vie. S'inventer des pensées, c'est plus compliqué. " Je suis déroutée. Je suis peut-être un peu stupide, mais je n'ai pas vraiment compris ce qu'il a voulu dire. Pourtant, mon test d'aptitude était excellent. Sur ce, il décroche enfin un sourire, certes pincé, et tend à nouveau la main. "Sur ce, bienvenue au SHIELD Mademoiselle Merill. "
Je la lui serre avec un sourire, tout mon enthousiasme revenu.


30 mai 2007

"Allez, tu ne vas quand même pas me dire que les dortoirs étaient pires qu'à Harvard ? " me souffle Lyndie, un brin mutine.

Nous sommes à la chaufferie, devant deux bonnes bières, à trinquer à notre réussite. Autour de nous, d'autres étudiants de notre promotion déjà bien raides qui ont commencé à entonner un chant paillard en se tenant par les épaules. Le lendemain, nous serons tous agents du SHIELD, officiellement. "Non pas vraiment, mais au moins, il y avait plus de beaux mecs, " je lui rétorque. Elle me sourit et avale une grande rasade de bière. Lyndon Clark, alias Lyndie, c'est ma meilleure amie. Je l'ai rencontrée lors de ma première année. Elle est spécialiste en bio-chimie, moi en artefacts asgardiens. Etrangement, nous faisons la paire. Alors que tout nous oppose, à part notre goût commun en ce qui concerne les beaux machos latinos. Autour de nous, l'ambiance est lourde, sentant à plein nez la bière et la sueur. Les enceintes vomissent la musique et les stroboscopes font jouer les lasers sur les murs de briques. J'aime cette ambiance qui suinte encore la jeunesse que je vais perdre le lendemain. Je serai officiellement adulte au sein du SHIELD, un agent opérationnel. Pas de cérémonie solennelle, elle est déjà passée. Pour moi, le grand moment sera celui où l'on me remettra mon badge, avec mon visage, mon nom, mon niveau d'accréditation. Je pense à mes parents, mort il y a six ans maintenant d'un banal accident de la route. Ils voulaient que j'ai un grand avenir, et je suis sur le point de réaliser ce souhait en leur mémoire. Je pense aussi à mon grand-père, qui sera fier comme un pape quand je lui montrerai mon badge. Et je pense à mon frère, qui vient de devenir papa de deux magnifiques jumeaux. Malgré tout, quelle vie magnifique. Moi avec mon diplôme, Mark avec ses deux têtes blondes dont l'une, selon lui, me ressemble comme deux gouttes d'eau. J'ai hâte de rentrer. Et je serais triste également. Il y a peu de chances que je sois affectée dans la région de Philadelphie. J'avais déjà de la chance que l'académie y soit et que je puisse rentrer de temps à autres voir ma famille.
Mais l'atmosphère est à la fête. Lyndie m'entraine dans la grande ronde qu'on fait les autres étudiants passablement bourrés au rythme d'une musique électro. La soirée promet d'être très longue. L'alcool, la danse, les cris de joie. Le dernier vrai instant d'insouciance de notre vie. Demain, nous serons tous des agents opérationnels.

La nuit passe très vite. Le réveil vient un peu vite à mon goût, mais tant pis. Je me lève et je ressors le tailleur que je portais le jour de mon admission. La boucle est bouclée. Je suis entrée avec, je ressort avec. Une fois bien apprêtée, je reçois mon ordre d'affectation. Direction Washington. L'agent Roberts me serre la main avec un vrai sourire. Il me suis depuis le début. Je crois qu'il m'aime bien. "Au plaisir de travailler un jour avec vous Agent Merill, " conclu t'il.


14 février 2008

L'agent Lang me toise avec un regard froid. Je sens sa peur s'échapper par chacun des pores de sa peau. D'instinct, je dissimule mes mains gantées dans ma poche. Je ne peux m'empêcher de baisser les yeux. Ce n'est pas de la honte, c'est de la culpabilité. "Vous avez de la chance que l'agent Roberts ait témoigné en votre faveur bien qu'il soit encore en convalescence. " Je ne peux rien répondre. Quand je pense à l'agent Roberts, mon ventre se noue à nouveau. J'ai déjà tant pleuré en pensant à lui, je m'en veux tellement de ce qui s'est passé. J'ai été si stupide de ne pas l'écouter. Cela m'étonnais qu'il m'aide malgré tout, il devrait me détester en toute logique. "Dois-je en conclure que vous acceptez enfin d'être inscrite dans l'index ? " Un tic nerveux agite mes lèvres tandis que je relève la tête. Cela fait des mois qu'on me parle de l'index, et bien sûr, je sais ce que c'est. C'est juste que l'idée de passer de l'autre côté de la barrière me terrifie. Il y a les gens normaux. De l'autre ceux de l'index. J'ai refusé il y a quelques mois, même si mes médecins se sont permis d'insister. Après ce que j'ai fait à l'agent Roberts, je lui dois au moins ça. Après avoir failli le tuer, c'est la moindre des choses. Cela faisait des mois que je n'avais touché personne, et l'accident est arrivé. Il a tourné de l'œil direct est s'est effondré. Moi, j'ai été reprise sous les yeux médusés de ma famille qui a vu des agents m'administrer un puissant sédatif. Tout cela à cause de ma stupidité.

Il y a quelques mois, j'ai touché par accident ce maudit cristal. Je savais ce qu'il pouvait faire et à cet instant, deux voies s'offraient à moi : la mort ou la mutation. Et je n'avais pas le choix, le destin (ou la génétique) a décidé pour moi. Je me suis retrouvée avec la capacité de changer la température par le toucher. L'équipe de médecin qui m'a tout de suite prise en charge quand il est devenu évident que j'allais survivre, m'a vu congeler ou réduire en cendres des tas et des tas d'échantillons. J'étais moi même stupéfiée, et tellement alarmée que j'en pleurais d'angoisse. Une seule chose m'a permit de tenir le coup, Lyndie. Qui a fait des pieds et des mains pour rejoindre l'équipe quand elle a apprit ce qui m'était arrivé. Elle a été d'un grand soutient et c'est sans doute grâce à elle que j'ai cessé de détruire les gants qu'on m'enfilait et toutes les choses que je touchais. J'étais persuadée que le jour où j'ai touché cette chose était le pire de ma vie, j'avais tort. Il y a deux semaines, j'en avais tellement assez de cet isolement, de ne plus voir que des médecins, et pas un rayon de soleil. Lyndie a fini par me lâcher que ma famille n'avait plus de nouvelles depuis le début de mon internement, et qu'elle n'était pas autorisée à les contacter. J'ai du entrer dans un état second car j'ai pris la soudaine décision d'aller les voir, abrutie par des mois d'isolement. Ca n'a pas été très difficile, j'avais toujours mon passe et rares étaient ceux à être au courant de ma situation. Il se sont rendus compte trop tard que j'étais partie, mais ils m'ont rattrapée au moment où je retrouvais ma famille. Je n'ai pas eu le temps de leur en dire beaucoup. L'agent Roberts est arrivé dans la foulée et m'a demandé de rentrer calmement. Il voulait m'aider, et je le savais sincère. Le fait qu'il soit la personne que je connaissais depuis toujours au SHIELD me le disait. Et je l'ai touché. Il est tombé. J'ai hurlé. Et c'est le noir.

"Oui, je finis par lâcher dans un souffle." "Bien. Sachez que puisque l'équipe médicale qui vous suis valide votre capacité à vous contrôler et que votre évaluation psychologique est très positive, nous vous autorisons à retourner au service actif. Je vais également vous attacher à un agent chargé d'évaluer vos progrès dans la maîtrise totale de votre don... " "Je ne compte pas rester, Monsieur. " Il me toise, étonné. Apparemment, se retournement de situation n'était pas prévu. " Excusez- moi, mais... ceci est une démission ? "C'en est une, Monsieur. " "Prenez le temps de réfléchir un peu Agent Merill. Vous êtes un bon élément, et votre mutation ne pose aucun problème au SHIELD vous le savez. Et, vous commencez à peine votre carrière, ce serait dommage d'arrêter maintenant. " "J'y ai réfléchi, Monsieur. C'est ma décision. "

Oui, mûrement réfléchie. J'ai entendue trop de bribes de conversation terrifiante ces derniers mois. J'ai eu assez peur pour que cela me pousse à partir. Je savais que je ne pourrais plus travailler sereinement au SHIELD en sachant que j'ai faillit être envoyée au fameux Fridge après mon évasion. Je ne suis pas assez accréditée, mais je sais ce qu'on en dit. L'agent Lang soupire et referme son dossier. "Très bien. C'est fort dommage mais je comprend votre décision. Je vais en référer à votre supérieur, mais il faudra adresser officiellement une lettre de démission à la direction. "
Je hoche la tête et quitte le bureau sans plus un mot. Je n'ai qu'une envie, trouver un lit dans une des salles de repos et m'étaler pour pleurer toutes les larmes de mon corps. Je ne sais même pas si ma famille voudra encore de moi après m'avoir vu manquer de tuer quelqu'un.

"Vous partez déjà Agent Merill ? "
Je me retourne et tombe sur l'agent Roberts. Diminué, sans doute un peu fatigué, mais bien là, en face de moi, pas l'air rancunier du tout. Je ne trouve rien à dire, je sens juste encore les larmes de monter aux yeux. Mes lèvres tremblent. Les larmes finissent par couler. Toute ma culpabilité refait surface, là, au beau milieu d'un couloir de l'administration. "Je suis tellement désolée, Monsieur ! Je ne voulais pas vous blesser. J'ai bien cru que je vous avais tué... " " Je suis résistant, qu'il répond d'un air tranquille et détaché. Ma température est subitement montée mais je suis très vite sorti du coma. Ma vie n'a jamais été en danger. Enfin je crois.Comment peut-il me pardonner si vite ? Je me sens si mal. "En revanche, votre frère est un véritable danger public... "Quoi ? Mon frère ? "Oui, il a mis au tapis deux agents quand on vous emmenait. Et votre belle-sœur les a insulté copieusement dans des termes qui leur étaient encore inconnus. Quand à votre grand-père, il a manqué d'assommer le chef d'équipe avec sa canne, c'est bien un acien du SHIELD, pas de doutes. Mes amis sur place étaient éberlués." "Les fermiers sont des gars solides, " je dis d'une toute petite voix." C'était l'une des phrases favorites de mon père. " Je vais démissionner Monsieur ! "
Lancée comme cela, sans aucun rapport, ma phrases semble le surprendre. "Vous n'avez pas besoin du SHIELD pour vos recherches de toute façon, " assure t'il avec un haussement d'épaules. " Et étant donné vos compétences, vous n'aurez aucun mal à trouver un nouveau travail et revenir à une vie normale. "

Décidément, cet homme est le plus surprenant que j'ai jamais rencontré. Il est incroyable, impossible de savoir ce qui se passe dans sa tête. Une seule certitude, il m'apprécie. Il me propose même de me ramener chez moi, dans ma famille et ose placer une petite phrase ironique sur ce que je pourrais faire à ma voiture si je prenais le volant seule. Il n'est pas plus bavard mais me laisse devant chez moi avec un sourire. "A la semaine prochaine ! " me lance t'il en faisant demi-tour dans la cour. "Pourquoi à la semaine prochaine ? Je quitte le SHIELD Monsieur ! "Lang vous ne l'a pas dit ? Je suis votre nouvel agent de liaison.


5 juin 2015

La voiture tourne dans la cour en faisant voler la poussière en un nuage opaque. La sècheresse des derniers jours a transformé la terre en une poussière fine et volatile qui s'infiltre partout. Elle suit la vieille voiture qui s'éloigne en cahotant sur le chemin comme une épaisse trainée. Je suis sur le perron et je m'apprête à rentrer quand mon frère me rejoint. Il porte encore la vieille chemise à carreaux qu'il mets pour travailler dans les champs qui entourent la maison et il a encore sur lui la même poussière qui brunit sa peau. Une casquette rouge délavée complète le tableau. On aurait du mal à croire comme ça qu'il s'agit d'un ancien vétérinaire ayant fait de brillantes études avant de reprendre l'exploitation. Les mains dans les poches, il suit du regard le nuage de poussière qui se perd au loin. "Pourquoi est-ce qu'il doit encore venir ? Je déteste que ce type approche de ma famille. "

Depuis la fameux jour de mon évasion où il s'est officiellement mis à dos la moitié du SHIELD en leur infligeant une bonne correction, mon frère déteste cordialement tous ses agents, ce que je peux comprendre. Ils n'ont pas vraiment pris des gants à ce moment là. "C'est le protocole, et puis, c'est un ami. Tu tiens vraiment à voir débarquer l'agence si il cesse de venir ? Si ça arrive, je ne sais pas vraiment ce qui pourrai se passer. A ma grande surprise, Mark a incroyablement bien pris ma nouvelle situation et est redevenu le grand frère protecteur qu'il était durant notre enfance. Pragmatique, il s'est dit qu'une nouvelle bizarrerie de plus dans ce monde n'allait pas me séparer de ma famille. Mon grand-père a eu une réaction similaire, à mon grand bonheur, mais déteste imaginer ce qui aurait pu se passer si jamais j'avais été déclarée incontrôlable. Il a quitté le SHIELD depuis trop longtemps pour continuer à les comprendre. Pour lui, le temps s'est arrêté en 1953, quand il les a quitté. Il rumine un peu, mais il s'y fait. Il dit qu'il est trop vieux pour ces conneries.

Mark grogne et se met à tripoter sa casquette, mal à l'aise. "Un ami ? Il vient ici tous les mois pour nous espionner et toi tu l'accueille avec une tasse de café et des blagues, tu conçois l'amitié de façon étrange. " "Nous avons déjà eu cette conversation Mark. Il n'est pas là pour nous espionner, et étant donné ce que je lui ai fait, j'ai eu de la chance qu'il n'ait pas décidé de m'expédier dans une prison ultra-sécurisée du SHIELD. Alors oui, je le considère comme un ami, je l'apprécie même beaucoup. "SHIELD, SHIELD, un jour ils détruirons notre vie, c'est moi qui te le dit. "

Irrité, il préfère rentrer que prolonger la conversation. J'ai du mal à lui avouer que le SHIELD sait déjà tout de notre vie et que ses deux enfants chéris, qui sont peu à peu devenus les miens au fil du temps, ont leur nom quelque part dans un dossier. Car ils sont de ma famille. C'est moi qui menace de détruire sa vie au moindre faux pas, au moindre accident. Je ne peux pas lui en parler. L'agent Roberts est celui avec lequel j'ai gardé le plus de lien, à part peut être Lyndie, qui vient de temps à temps passer quelques jours à la ferme. Elle est le seul agent que Mark accueille sous son toit, ce qui est un privilège rare. Mon agent de liaison doit vraiment m'apprécier en définitive.

Comme il l'avait dit, je n'ai eu aucun mal à me recycler. Un diplôme du SHIELD ouvre un nombre incroyable de portes. Je me suis définitivement réinstallée à la ferme après avoir décroché ce poste de professeur d'archéologie à Philadelphie, qui me permet à la fois d'enseigner et de mener des campagnes de fouilles au Danemark ou en Suède. Je ne pouvais pas rêver mieux. Si ce n'est que je croise régulièrement le SHIELD sur ces sites, comme pour me rappeler que je marche un peu sur leurs plates-bandes. Mais la plupart du temps, je me ressource dans la maison de mon enfance, avec ma famille. Le spectacle familier des champs d'épis qui se balancent doucement au rythme de la brise m'apaise plus qu'autre chose. Quand à mes capacités, elles ne me servent pas vraiment au quotidien, et j'évite de les utiliser pour ne pas perturber mon frère et mes neveux. Pas besoin de les effrayer davantage, même ces petits bouts de choux sentent la nervosité qui saisit la maison lors des visites de l'agent Roberts. Je n'ai appris à saisir cette part de moi que quelques années auparavant, en m'exerçant seule. Maintenant je ne me vois plus sans étrangement. Car si j'ai changé, c'est que c'était déjà quelque part en moi.

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