« Elle a blessé son frère, elle a un problème ! » Adossée contre le mur à côté de la porte, là où elle ne devrait pas être, après tout, écouter aux portes, c’était mal venu, la jeune femme senti une larme couler contre sa joue. Elle n’avait pas fait exprès de blesser son frère cadet, c’était un accident. Elle n’avait jamais voulu ça, elle ne comprenait rien à rien. « Je suis sûre qu’elle ne voulait pas lui faire de mal. » Son beau-père cogna avec force contre la table, arrachant à l’adolescente un sursaut. Il n’était pas méchant, jusqu’à présent, il l’avait toujours acceptée comme sa propre fille, il lui avait même donné son nom pour être sûr qu’elle se sente intégrée à la famille, même s’il n’était pas son père, même si elle ne connaissait pas son géniteur à elle. Elle l’aurait voulu pourtant, elle avait souvent questionné sa mère à son propos, mais elle était toujours restée particulièrement vague. Elle avait rêvé d’avoir un père elle aussi, parce qu’un beau-père, ça ne suffisait pas, ça ne venait pas répondre à toutes les questions qu’elle se posait encore et encore sur ce qu’elle pouvait être et ce qu’elle était, ce n’était pas normal. Elle n’avait pas poussé son frère très fort, elle avait juste voulu qu’il se pousse pour qu’elle puisse passer et il était tombé dans les escaliers, elle l’avait à peine poussé, effleuré, physiquement il n’aurait pas dû faire une telle chute, ça n’avait aucun sens. Ce n’était pas tout, il y avait eu cette fois où elle s’était coupée avec un morceau de verre et que la blessure s’était refermée presque instantanément. Son beau-père avait raison, elle avait un problème et si ce problème ne venait pas de sa mère, alors il venait de son père. Si seulement il avait été là, peut-être qu’il aurait pu l’aider à comprendre ce qui n’allait pas. Mais elle était toute seule. « Elle aurait pu le tuer ! » Il avait raison, il avait eu de la chance de s’en sortir, elle aurait pu tuer son propre frère. Le regard baigné dans ses larmes, elle posa son regard sur ses mains tremblantes, celles avec lesquelles elle avait presque tué son frère cadet. Qu’est-ce qui n’allait pas chez elle ? « Elle est dangereuse ! » Encore une fois, il avait raison. Elle ne voulait plus risquer de faire du mal à son frère ou à qui que ce soit d’autre. Elle était encore bien jeune, mais elle voulait partir d’ici et sa porte de sortie elle l’avait déjà trouvée depuis quelques jours, elle n’en avait juste pas parlé autour d’elle. Elle soupira longuement avant de sécher ses larmes sur ses yeux et de filer dans sa chambre, pour revenir et cette fois passer la porte pour rejoindre sa mère et son beau-père, les coupant dans leur discussion dont elle était le sujet. « Je ne peux pas rester ici après ce que j’ai fais. » Elle ne le voulait pas et elle avait l’impression que son beau-père préférait la savoir ailleurs. Elle n’était pas sa fille après tout et c’était de son devoir de protéger son enfant à lui, celui qu’elle avait blessé. « Ne dit pas ça Evie. » Elle esquissa un léger sourire face au regard compatissant de sa mère. Sa mère l’aimait, elle avait probablement du mal à l’imaginer s’en aller loin d’ici, mais il le fallait. Elle déposa une lettre sur la table, juste en face de sa mère qui hésita quelques secondes avant de l’ouvrir. « Tu as été acceptée à Cambridge ? » C’était la bonne nouvelle qu’elle n’avait pas eu l’occasion de partager à cause de cet accident. Elle était jeune, surdouée, elle avait sauté plusieurs classes et malgré son jeune âge, il fallait qu’elle aille à l’université, celle de Cambridge était réputée comme la première université mondiale, c’était une chance inouïe d’avoir été acceptée là-bas. Elle était fière et il semblait que c’était le moment idéal pour quitter Londres. « J’ai juste besoin que vous signiez les papiers d’admissions et d’un peu d’aide pour m’installer là-bas et je ne vous poserai plus aucun soucis, c’est promis. » Les larmes aux yeux, sa mère se leva pour venir l’enlacer, elle aurait préférait qu’elle se contente d’agir comme son beau père qu’elle ait peur d’elle, ça aurait été beaucoup plus simple. « Je suis fière de toi, vraiment. Je ne veux pas que tu partes parce que tu as l’impression que tu dois partir, il faut que tu en ais vraiment envie. » Un sourire sur les lèvres elle regarda sa mère. « Cambridge maman, évidemment que j’en ai envie. » Ça avait été un de ses rêves depuis un moment et c’était le moment idéal pour l’accomplir. Dans quelques semaines tout au plus, elle aurait quitté Londres pour Cambridge, elle ne pouvait rêver mieux, pour elle comme pour sa famille.

« Evalee Martell, tu peux m’appeler Evie, tout le monde m’appelle toujours Evie. » un sourire se dessina sur les lèvres du garçon en face d’elle, répondant au large sourire qu’elle lui adressait. Elle ne connaissait encore personne à l’académie, alors parler au premier garçon avec qui elle partageait sa paillasse lui semblait la meilleure chose à faire. « Bellamy Nelson et tout le monde m’appelle Bell. » Elle lui sourit à nouveau avant de tacher de se concentrer sur ce qu’elle faisait, faisant attention au regard attentif que le professeur posait sur les élèves, la salle était silencieuse, il avait l’air de vouloir qu’elle le reste. La fin du cours arriva et enfin les bavardages purent recommencer. « Je pourrais t’appeler Nel, pour Nelson, ce serait un peu original non ? » Il haussa légèrement les épaules, elle n’était pas particulièrement douée pour les surnoms, mais elle y avait réfléchi pendant toute l’heure, elle avait d’abord décortiqué Bellamy dans tous les sens pour finalement ce rabattre sur son nom de famille. « Ça me va. Je t’appellerai Lee alors. » Le sourire de la jeune femme s’agrandit alors qu’elle ramassait ses affaires pour suivre le garçon qui commençait à quitter la salle. « Je pense aller en ville pendant la pause pour manger, tu veux venir ? J’ai un peu du mal avec le réfectoire. » Elle acquiesça. Depuis qu’elle était arrivée, elle n’avait fait que manger toute seule dans son coin, se cachant derrière un bouquin pour faire comme si elle était très occupée à lire et qu’ainsi ça pouvait expliquer sa solitude. « Avec plaisir. Je n’ai même pas encore eu l’occasion de visiter la ville. » Elle n’était pas là depuis longtemps, elle venait tout droit de l’Angleterre et tout lui semblait complètement différent. « Moi non plus, profitons en. » Elle hocha la tête avant de le suivre, c’était un nouveau monde qui s’offrait à elle et elle était ravie d’avoir trouvé quelqu’un avec qui le découvrir. Premier jour de cours à l’académie, premier ami.

« Lee ! Est-ce que ça va ? » Elle hocha légèrement la tête. Elle allait bien, tout le monde allait bien, pour le, moment en tout cas. Ils étaient pris au piège, la mission sur laquelle ils étaient avait mal tournée. Ils n’étaient pas seuls et ces types qui leur barraient la route, ils n’avaient pas l’air d’enfants de cœur. S’ils restaient là, ils étaient morts, s’ils essayaient de s’enfuir en courant, ils étaient probablement morts. « Tu crois que l’équipe est partie sans nous ? » Ils s’étaient séparés, eux ils étaient chargés de s’occuper d’analysé cet objet étrange qu’ils avaient trouvé et le reste de l’équipe était partie pousser plus loin les explorations. « Ne dit pas de bêtises Nel, ils doivent être dans le coin, ils vont revenir pour nous. » Elle haussa les épaules, c’était logique non ? Ils n’allaient pas les laisser derrière. Ils n’avaient aucune chance de pouvoir pénétrer les forces ennemis sans appeler du renfort et dans combien de temps les renforts viendraient ? Elle n’osait même pas se poser la question. Ils étaient cachés, en sécurité, tout irait bien. Les heures passaient pourtant et toujours personne. « Faut qu’on sorte d’ici, ils vont finir par nous trouver, ça sert à rien de rester cachés. » Ce n’était pas totalement faux, ils allaient les trouver et les tuer, génial. « On peut rien faire contre ses types, tu veux te battre avec quoi ? On a laissé tout le matériel avant de se barrer en courant. » Les pro de la fuite, c’était eux, mais ils avaient fuit vers un cul de sac, l’ironie du sort de toute évidence, ils avaient fuit vers là où ils pouvaient fuir. « Tout au plus dans ma poche j’ai mon porte-clés tardis qui s’est détaché de mes clés ce matin. » Elle soupira. Ils étaient finis. Pourtant, pris d’un élan de courage, Bellamy se tourna vers elle, attrapant ses mains dans les siennes. « Je vais faire diversion, toi tu t’échappes ok ? » Elle fronça les sourcils, qu’est-ce qu’il était en train de raconter là ? « Quoi ? Non, je ne pars pas sans toi ! » Sans plus attendre, il l’embrassa avant de coller son front contre le sien. « S’il te plait. » Puis il s’écarta, prêt à agir. Non, non, non. Elle n’allait pas le laisser se sacrifier pour elle. Elle le poussa plus fort qu’elle ne l’aurait voulu pour aller affronter elle-même ces types. Ils s’en sortiraient ensemble. Elle était assez forte pour les éliminer. Elle ne savait pas se battre, mais elle avait de la force et un don pour guérir plus vite que la normal. Ça allait le faire. Il y avait eu des coups, des blessures, mais toutes s’étaient refermées particulièrement vite. Attrapant le jeune homme qui la fixait d’un air choqué, ils avaient pu s’enfuir, ensemble, en vie pour retrouver leur équipe.

« Nel … » Il détourna le regard. Il refusait catégoriquement de lui adresser la parole depuis cet incident. Il détestait les non-humains et elle lui avait prouvé que c’était ce qu’elle était. Mais elle était différente non. « Tu comptais me le dire un jour ? » Elle haussa les épaules. Elle l’avait écouté lui raconter l’histoire de ses parents, elle l’avait entendu dire ce qu’il pensait des non-humains, alors concrètement non, elle n’avait pas prévu de lui dire. « Je ne voulais pas que tu me déteste. Apparemment j’avais raison. » Il la détestait, ça se voyait dans ses réactions, dans la façon qu’il avait de l’éviter. « T’es pas normale, Evalee. » Elle haussa les épaules. Elle n’avait pas l’impression d’être différente d’une autre. « Je devrais le signaler. » Il pouvait. Et puis ? On la rentrerait dans l’index et puis fin de l’histoire. « Fais-le alors. » Il hocha la tête. « J’irais, en allant demander mon transfert d’équipe. » Il lui désigna la feuille de transfert qu’il venait de remplir et de signer. Il la regarda une dernière fois, rapidement, avant de quitter la salle. « Nel ! » Il ne l’écouta pas, fuyant la pièce, la fuyant elle. Elle le regarda s’éloigner les larmes aux yeux, il la détestait maintenait, lui qui avait pourtant tout partagé avec elle depuis les bancs de l’académie, il la détestait.

« Où est passé l’agent Nelson ? » Le regard rivé sur son microscope, la jeune scientifique se contenta de hausser les épaules. Nelson avait fait parti de l’équipe depuis aussi longtemps qu’elle, ils étaient inséparables et pourtant, il était parti à présent. Il était parti à cause d’elle. Rien que d’y penser, la jeune femme avait l’impression qu’elle allait se remettre à pleurer. De quoi elle aurait l’air à pleurer comme une gamine devant son chef d’équipe ? Il fallait qu’elle soit forte. « Il a demandé à changer d’équipe. » Elle continuait de regarder son microscope, ils étaient inséparables depuis des années, ils avaient fait en sorte d’intégrer la même équipe, ils étaient comme un lot qu’on ne pouvait pas diviser et pourtant il était parti. « Pourquoi est-ce qu’il a fait ça ? » Les larmes lui montaient aux yeux, tellement qu’elle ne voyait plus rien dans son microscope et pourtant, elle continuait à le fixer comme une idiote. Elle haussa les épaules, n’osant pas répondre à la question. Qu’est-ce qu’elle pouvait dire ? Qu’il avait peur d’elle, qu’il la voyait comme un monstre alors il avait préféré fuir. Elle était un monstre et elle préférait autant que Bellamy soit le seul à le savoir. Elle senti la main de l’agent Adkins se poser contre son épaule si bien qu’elle sursauta, relevant finalement les yeux de son microscope pour  fixer l’homme lui faisant face. Il avait toujours été adorable, avec elle comme avec le reste de l’équipe, c’était un homme bien, un homme pour qui elle avait beaucoup de respect. Elle s’était souvent confié à lui comme elle aurait pu se confier à son père, parce qu’elle avait eu besoin qu’on l’écoute. Elle n’avait pas de père et son beau-père la craignait, elle avait trouvé le soutien dont elle avait besoin, là où elle le pouvait. Elle n’avait plus de famille aujourd’hui, juste les débris d’un passé vers lequel elle ne pouvait pas revenir. L’agent Adkins l’avait comprise, prise sous son aile même si elle avait l’air d’une trouillarde de première catégorie dès qu’il s’agissait d’aller sur le terrain. Quand elle s’était retrouvée prise au piège avec l’agent Nelson, il avait presque retourné le shield pour qu’on leur envoie rapidement du renfort et dès qu’ils avaient réussi à sortir du repère ennemis, il s’était précipité vers eux comme un père inquiet. Il était la seule figure paternelle qu’elle avait dans ce monde, même s’ils n’avaient aucun lien de sang. « Qu’est-ce qui s’est passé entre vous deux là-bas ? » Il n’était pas dupe, il savait que tout avait commencé à partir du moment où ils s’étaient retrouvés pris au piège parmi leurs ennemis. Les larmes montant de plus en plus à ses yeux, elle voulait parler, il fallait qu’elle parle. « Je ne suis pas normale agent Adkins. Je peux faire des choses qu’une fille comme moi ne devrait pas être capable de faire et ça lui a fait peur, vous savez qu’il déteste ce qui n’est pas humain et je suis un monstre. » C’était fini les larmes coulaient le long de ses joues, elle avait l’air une pauvre gamine en pleine dépression mais elle était incapable de se contrôler. « Vous devriez me mettre dans l’index ou m’enfermer au fridge, qu’importe, quelque part où au moins, je ne ferais pas peur à mon meilleur ami. » Au moins, au fin fond du fridge, Bellamy n’aurait plus à s’en faire pour elle. L’agent Adkins la pris soudainement dans ses bras alors qu’elle pleurait à chaudes larmes. « Il est hors de question que je t’enferme où que ce soit, on vient de perdre l’agent Nelson, on ne va pas te perdre toi aussi. »  Elle se redressa pour pouvoir fixer l’homme en face d’elle et passa ses mains contre ses joues pour essayer de sécher ses larmes. « Qu’est-ce que vous allez faire de moi ? » Elle était censée être dans l’index si elle n’était pas normale, ils appartenaient tous les deux au shield, ils le savaient très bien. « Pourquoi est-ce que tu ne t’es pas toi-même présentée à l’index ? Tu es pourtant très attachée aux règles. » Elle était droite, organisée et respectait toujours les règlements à la lettre, et pourtant il était vrai que cette fois elle ne l’avait pas fait. « Je sais pas. Je voulais retrouver mon père pour comprendre exactement ce qui ne tournait pas rond chez moi, juste pour être sûre de savoir quoi noter dans l’index. » Ou juste pour avoir des réponses avant d’être cataloguée dans les dossiers du shield. « Alors, je vais t’aider à retrouver ton père. » Elle arqua un sourcil sous la surprise. Il était le responsable de son équipe, c’était son devoir de la répertorier dans l’index, c’était ça qu’il aurait dû faire, pas l’aider à retrouver son père. « Pourquoi ? » Il haussa les épaules avant de se relever de la chaise sur laquelle il était installé. « Parce qu’on est une équipe. » Il posa la main sur son épaule avant de s’éloigne vers la porte du laboratoire. « T’inquiète pas, ce sera notre secret, c’est promis. » Elle lui adressa un sourire alors qu’il quittait la pièce. Au sein du shield, ou au moins aux côtés de l’agent Adkins, elle avait la sensation d’avoir une famille, une vraie, enfin quelqu’un qui n’avait pas peur de ce qu’elle pouvait être et il n’y avait rien de plus rassurant au monde.