2006 - L'adolescent marchait, le pouce levé sur le bord de l'autoroute, tête baissée. Il n'avait pas de destination. Juste la volonté de partir, de fuir avant qu'on le détruise complètement. Il n'avait que quelques vêtements dans un sac à dos, quelques billets, et son courage. Finalement, un camion s'arrête pour le prendre à son bords. Direction Washington. Cela lui va. C'est loin. Il ne parla pas beaucoup, ne répondant que très brièvement aux questions. Quand le chauffeur lui demande comment il a eu le coquard qui avait bleuit son œil droit, il se contenta de hausser les épaules.

« Une mauvaise chute. »mentit-il sans grande conviction.

Il dormit avec le conducteur, le remerciant à sa façon pour le voyage. L'homme lui offrit à manger, et un peu d'affection sur les longues heures à traverser le pays d'ouest en est. L'arrivée à Washington ne lui apparut finalement pas tant que ça comme une libération. Il passait juste d'une galère à une autre. Si ses parents avaient juré de le tuer s'il restait un pédé, vivre à la rue n'était pas une sinécure. Il réussit à se faufiler jusque dans des squats plus ou moins louches. Il était protégé par d'autres clodos moyennant des services. Tout cela était très précaire. Heureusement que sa belle gueule lui attirait plus de bienveillance intéressée que de malveillance. Il se fichait qu'on l'aide pour des contrepartie. Tant qu'il pouvait dormir et manger. Avoir un semblant de sécurité, même si parler de sécurité quand on est à la rue, c'est un peu comme une grosse blague. Ça a tenu un an environ. Un an précaire à aller de squat en squat dans la ville, à voler quelques trucs, à traîner dans des affaires un peu louche, à servir de mule en raison de sa gueule d'innocent. Mais même une stabilité si précaire ne tend qu'à une chose : s'écrouler.

2007 - C'était un colis comme un autre. Okay, il savait pas ce qui y'avait dedans. Probablement de la drogue. C'était toujours de la drogue. Il se rassurait toujours en se disant que ça pouvait être que ça. C'était toujours ça. Pourtant, cette fois, ça lui semblait différent. Il savait pas dire pourquoi. Ça faisait pas le poids habituel. Il aimait pas ça. Ça le stressait carrément. Déjà qu'il aimait pas trop se faire du fric comme ça. Mais bon, Slver avait raison, ça payait bien. Ça leur permettait de se payer le luxe d'un motel pourri pour quelques jours, avec un peu de bol, il se payait même un peu de hasch. Franchement, il pouvait pas faire marche arrière. De toutes façons, on fait pas marche arrière quand on a dit à la pègre locale qu'on prenait le job.

Il arriva nerveux au point de rendez-vous. Avec des chinois. Allez savoir pourquoi, il les avait toujours trouvé flippants. Sans doute à cause du racisme familial dans lequel il avait grandi. Les jaunes, les noirs, les tex-mex, et ces connards de blancs. Ouais. La tolérance et l'ouverture, ça n'avait jamais trop été ça dans le camp de forains. Ou alors c'était juste sa famille. Il en savait trop rien. Et il essayait de plus trop se souvenir de cette époque-là. C'était le passé et le passé, c'est fait pour être oublié des fois. Son cerveau faisait ça très bien. Bref. N'empêche qu'il les sentait pas les mafieux chinois. Encore moins que les russes qui l'embauchaient. Ses mains tremblèrent quand il leur passa le sac. Ils l'ouvraient toujours devant lui. Et il aimait vraiment pas cet étape. Sans doute parce qu'il avait compris dès le début que si un truc leur plaisait pas, il était le parfait bouc émissaire pour renvoyer un message. Comme si sa vie avait de la valeur aux yeux de ses employés.

Il paniqua un peu plus en entendant leur chef crier dans cette langue dont il comprenait pas un traître mot de ce qu'ils se disaient, mais ça sonnait pas comme des mots d'amour. Surtout qu'on se saisissait de lui. Et bordel, il se passait quoi ?

« Hééé ! Lâche moi ! Hééé ! Je suis que le livreur ! »cria-t-il alors qu'on l'atirait vers le paquet.

On plaqua sa tête sur la table, juste à côté du paquet ouvert. Et c'était pas de la drogue. C'était la première fois qu'il voyait une tête morte de si près. Surtout détachée du reste du corps du propriétaire. Il se pissa dessus. Il chiala. Il voulait vivre bordel. Il s'attendait à sentir des coups, ou quelque chose du genre. Mais l'homme qui le tenait le lâcha, hurlant de douleur. Il ne comprit pas mais il y avait une odeur de brûlé. Non, comme si quelque chose venait d'être calciné. Il vit la main de l'homme. Et les autres se tenaient la tête. Certains étaient en train de vomir. Il ne demanda pas son reste. Il s'enfuit. Puant la pisse, et la peur.

« Silver ! J'ai fait une connerie ! Faut qu'on parte ! Tout de suite ! Et loin ! »

Il attrapa le peu d'affaires qu'il avait dans le squat et les jeta dans son sac, changeant de pantalon sans prendre le temps de se laver, empestant encore. L'homme plus vieux le dévisageait. Il s'approcha de lui. Et le fit s'asseoir.

« Hey... Tu pisses le sang. Calme-toi. »

Kay passa une main sous son nez. Plein de sang. Son sang. Qu'est-ce qui se passait ? Il sombra inconscient.

2009 - Le blond était là depuis un mois. Mais la peur ne le quittait pas. Garder une bombe sur une île, ça sonnait pas comme la pire idée au monde ? Pour lui, si. Seulement, il était sans doute pas le plus intelligent. Il y avait des gens qui réfléchissait mieux que lui sur cette île. Et puis, ils l'avaient sauvé alors... Il pouvait leur faire confiance ? Là où il avait plus de mal, c'était à se faire lui-même confiance. On l'avait un peu isolé par sécurité, et il avait toujours sur lui le compteur qu'on lui avait donné. Mais... Il avait déjà fait tant de mal. Il ne voulait pas recommencer. Parfois, il regrettait que ce soit afterlife qui l'ait trouvé et non le SHIELD. Peut-être qu'il valait mieux qu'on l'enferme. Pour qu'il ne fasse plus de mal à personne. Pour qu'il ne soit plus un poids.

« Hey... T'en as pas marre de rester toujours tout seul ? »

Kay releva la tête vers le garçon qui lui parlait. Il était probablement un peu plus vieux que lui mais d'à peine quelques années. Le blond n'eut pas le temps de lui répondre que l'autre été déjà assis à côté de lui, presque épaule contre épaule. Il lui fallut quelques secondes pour se décaler de lui, d'un bon mètre.

« Tu sais, j'ai pas la gale... »

« Mais moi, je te ferai du mal si t'es trop près. »

L'autre eut un rire. Ce qui l'étonna un peu plus, lui faisant froncer les sourcils. Pourquoi il rigolait ? C'était la vérité, même lorsqu'il était en contrôle, il restait dangereux.

« Je m'adapte. C'est ça mon don. Je peux pas mourir à cause de toi. Sauf si t'es vraiment un bourrin ! »

Kay resta silencieux. Mais après quelques secondes d'hésitation il s'approcha à nouveau de lui.

« Je sens que ce moment marque le début d'une grande et belle amitié ! »lâcha l'autre avec un sourire, lui tendant la main. « Mikaël, ravi de te rencontré l'ermite. »

« Kay... Ravi aussi... »

Un sourire illumina quelques secondes son visage lorsque la main enserra la sienne.




2013 - La tête posée sur l'épaule de Mikaël, il était réveillé depuis plusieurs minutes. Et... Il recula précipitamment en sentant la peau de son amant devenir ferreuse. Ce n'était jamais arrivé aussi massivement, et surtout pas dans son sommeil. Là, il était comme une statue de bronze. Immobile. Impossible de savoir s'il respirait encore. Kay se leva précipitamment, son compteur s'affolait. Il s'arrêta, juste le temps de respirer, pour faire baisser les ondes. Puis il courut trouver des secours.

Il était resté sur la plage, loin de tous. Cela faisait une semaine que Mikaël était en observation. La couche de métal s'était amincie, jusqu'à disparaître. Tant qu'il restait loin de lui. Il avait toujours eu raison. Il n'aurait jamais dû faire confiance. Il était dangereux et le resterait pour tous. Ce n'était qu'une résistance plus ou moins longue. Il ne pouvait pas rester ici. Si Mika était souffrant, d'autres le seraient. Son isolement partiel n'était pas suffisant. Il prit la décision ce jour-là de ne jamais rester  plus d'un an au même endroit. Son pire ennemi serait toujours lui-même...

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