Lorsqu’une famille se brise au moment-même qu’un enfant naît, cet être, si petit qu’il soit, à tout un poids sur ces épaules. Je parle par expérience, car dès l’âge de cinq ans, mes parents se querellaient déjà pour un rien. Un oubli, un dégât … même mes pleurs les laissaient à bout de nerfs.  Je vivais dans un environnement malsain, mais c’est le seul que je connaissais et c’était beaucoup mieux que de vivre sans père ni mère. J’appris donc à me taire, et à entendre les cris et les mots grossiers comme un enfant apprend une langue et un état d’être. Ne soyez pas, par contre, surpris que d’apprendre que mon comportement à la garderie, ainsi qu’au primaire fut un reflet de l’agressivité de mon père. Je fus punie à l’école de nombreuses fois, et souvent réprimander lorsque j’arrivais à la maison. Toutefois, mes agissements ne changeaient pas, au grand malheur de ma mère qui croyait pouvoir réparer son mariage. À contrecœur, mais pour mon propre-bien, elle opta pour le divorce et quitta non seulement la maison, mais aussi sa ville natale, Philadelphie. Elle fit nos valises, et avec le peu d’argent qu’elle possédait, acheta des billets d’autobus pour Manhattan. Une fois arrivées, on a dû vivre dans une chambre de motel pendant un certain moment, question qu’elle se trouve un emploi et qu’elle soit capable de d’acheter un petit appartement. Cela lui prit plus de trois mois avant qu’elle ne puisse nous sortir de ce calvaire. Ce fut après un an que je revins sur les bancs d’école, et croyez-moi, j’étais toujours l’enfant enragée. Toutefois, voyant des enfants de mon âge étudier à un niveau scolaire plus élevé me laissa très peinée. Je me sentais seule … seule et incomprise, sous les rires et les blagues des autres enfants autour de moi. Apprenant, un peu à la dure, que d’être de nature combative résultait en punitions et remontrances, je m’enfermais dans une coquille (métaphoriquement parlant) et devins alors la ‘fille-invisible’.

Ma décision ne fit pas l’unanimité chez ma mère. Toujours inquiète pour moi, elle voulait que je m’amuse, que je rencontre d’autres jeunes filles de mon âge. De mon côté, je l’ignorais complètement, préférant m’enfermer dans ma chambre dès mon retour de l’école secondaire. Cette routine s’installa jusqu’à ce que quelque chose de terrible ne m’arrive. Un jour, alors que j’étais assise en classe, on entendit tous des coups de feu. Ce qui s’ensuivit me fit froid au dos. Des cris, beaucoup de cris. Que pouvait-il bien se passer dehors? Notre professeure s’approcha de la porte et regarda par la petite vitre, et d’un bond, recula tout de suite. Elle se baissa et nous fis signe de se lever, doucement, et de se rapprocher d’elle. Une fois qu’on lui obéi, elle retourna près de la porte. Malheureusement, elle ne fut pas assez rapide et, d’un gros coup de pied, la porte s’ouvrit, nous laissant apercevoir un homme armé. La suite est floue, mais je me souviens de quelques détails. Il y avait beaucoup de cris, du sang, et mon cœur qui battait beaucoup trop vite. L’homme continuait de tirer, ici et là, sur les enfants, et moi, mains sur les oreilles et criant jusqu’à en plus pouvoir, ne souhaitait qu’une chose : que son arme disparaisse. Mes yeux se braquèrent sur son arme et, peut-être inconsciemment, j’enlevais mes mains de mes oreilles et les plaçaient plutôt devant moi, près de mon visage. Au même moment, et pour une raison qui m’échappa à l’époque, son arme explosa entre ses main, ce qui le propulsa hors de la classe, lui brûlant une partie du corps, mais qui propulsa aussi les élèves, la professeure, et moi-même contre le mur. Je perdis connaissance à ce moment-là. Je me réveillais à l’hôpital, entourée d’infirmières et de ma mère. Les mois d’anxiété qui s’ensuivirent furent terribles, pour moi et pour ma mère, mais ils nous rapprochèrent aussi. On se soutenait et c’est ce qui me permit de ne pas m’écrouler complètement. Je m’interdis de repenser à ce qui c’était passé, avec l’homme et surtout, avec son arme.

Cependant, cinq ans plus tard, ma vie, que j’avais appris à stabiliser, s’effondra complètement. En effet, alors que j’avais été insensible aux problèmes financiers de ma mère, je n’avais pas remarqué sa manie de revenir tard à la maison. J’estimais que c’était dû à son travail. J’avais, en partie, raison. Lors d’une belle soirée passée devant un film d’action et entourée de travaux finaux à remettre pour la semaine suivante, je perçus ce qui me semblait être comme une dispute. Ce n’était pas étrange, étant donné l’ambiance de l’immeuble en temps normal. Néanmoins, cette conversation échauffée se déplaça jusqu’à devant notre porte d’appartement. Je reconnus alors la voix de ma mère, ainsi qu’un homme. Avait-elle tombée amoureuse? Je souris, discrètement, et me leva pour lui ouvrir la porte. Une fois la porte déverrouillée, ma mère débarqua dans l’appartement avec un certain empressement. L’homme, que je ne connaissais pas, la suivit et, lançant des injures, lui agrippa le bras. « Hé, chérie, je t’ai payé pour la soirée, pas juste deux heures. » J’écarquillais les yeux. Ma mère, visiblement honteuse de la situation, se mit à lui crier des injures aussi, le frappant sur la poitrine. Voyant que l’homme allait lui asséner des coups à son tour, je me précipitais sur lui, mais ce fut peine perdue. Il me repoussa d’un seul trait, sans même sourciller, et me fit perdre pied. Me voilà donc par terre, impuissante, alors que ma mère commence à se faire battre. Je panique, je ne sais pas quoi faire. Je me lève, et en clopinant un peu, je pris le téléphone et appela le 911. Une fois que la femme à l’autre bout de la ligne m’assura que les secours arrivaient, elle me demanda de rester au téléphone. Je lui obéi, mais lorsque je vis l’homme sortir un couteau, je laissais tomber l’appareil. Je lâchais alors un cri perçant, et forma des poings avec mes mains. Au même moment, le couteau que l’homme tenait explosa. Les morceaux de l’arme fusèrent de tout côté, certains se logeant dans le visage de l’homme, d’autres sur celui de ma mère. L’inconnu, en état de choc et blessé, bégaya « saloperie », puis sorti en courant. C’était la deuxième fois. À l’école, puis maintenant ici. C’était quoi que ce truc? Le hasard? Non, impossible. Je tombais sur mes genou, et ma mère, quoique blessée et avec probablement des côtes cassées, essaya de me réconforter. « Ma chérie! Je suis désolée de t’avoir caché ça. Mais … mais on avait tellement besoin d’argent. Le travail de réceptionniste était insuffisant. » Je la repoussais d’un coup. Allais-je la faire exploser? Intérieurement, mon cœur s’affolait juste à l’idée de la tuer. Mon regard perdu dans l’immensité du sol, je sentis ma mère soulever mon menton, avec un sourire presque brisé collé sur ses lèvres. « Peu importe ce que le futur nous réserve, et peu importe ce qu’il t’arrive, compte sur moi. Je serais toujours présente, toujours prête à faire les sacrifices qu’il faut pour que tu ne tombes jamais aussi bas que moi ». Presqu’en pleur, je tombais à genou et nous nous enlaçâmes, tous deux éprises de fortes émotions. On sentit, à ce moment précis, qu’on était prêtes à affronter le monde.


Ma mère tint parole et me poussa à suivre des études supérieures. À mi-chemin, alors que j’étudiais au collège, je pris la décision de devenir policière. Tout au long de mes années à l’académie de police, j’eus l’encouragement de ma mère afin de parfaire mon don. Je ne vous dis pas le nombre de vase et d’ampoules brisées, mais également les moments de détresse où je n’arrivais pas à balancer mes études et mon don. Je réussis, toutefois, à passer mes examens et mon année de bénévolat avant d’obtenir un poste de recrue dans la police de Manhattan. Il fallait maintenant que je me prouve en tant que futur agente de police. Et quel choix de métier avais-je fait? Vous savez, protéger et servir la population, c’est vivre dans un environnement de travail stressant, et même mes sessions de yoga n’aidaient que peu le contrôle de mon don. Je compris qu’il me fallait un peu plus que la méditation. Un moyen de me défouler. La seule option? Le gym. Mais même cet endroit ne saurait calmer mon agitation. Le seul moyen que j’ai pu trouver fut de fouiller dans les différents dossiers laissés dans l’oubli et d’utiliser ses hommes … ces monstres qui n’ont toujours pas reçu de sentence, et de leur faire savoir qu’ils ne peuvent pas rire de la justice. Je ne les tue pas, mais je leur fait assez peur pour qu’ils aient cette impression que quelqu’un les épient toujours. Malheureusement, mes méthodes se retournent contre moi car maintenant, c’est moi qui a l’impression d’être suivie. Par qui? Je ne saurais vous le dire encore, mais je compte bien en apprendre d’avantage.

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